Et puis funambulist ... mais aussi aux portes de l'oubli, et en fin de compte qui est actuellement en mode veille...


15/11/2010

Quittant Stromboli...

        
Stromboli - dimanche 10 juillet 1988  



Le 4 octobre 2009, pendant "Les Rencontres Cinématographiques" au Belvédère du Rayon Vert à Cerbère, j'assiste lors de la séance du matin à la projection du film de Christelle Lheureux "Non Recordo Il Titolo" ("Je ne me souviens pas du titre") datant de 2008. Peu de monde, la chose est confidentielle...
La réalisatrice présente ainsi son film :
"Marcello Mastroianni marche dans la poussière volcanique. Il fume. Il regarde la mer.
Le volcan explose. Les arbres sont brûlés par la lave.
Nous sommes à Stromboli, en 1951, avec le fantôme de Rossellini.
Ingrid Bergman monte le volcan. La fumée sulfureuse la fait tousser.
Non, c’est son fantôme qui tousse. Je ne sais plus.
Ingrid s’éveille au bord du cratère et voit passer Marcello dans la fumée.
Oui, c’est sûr, elle le voit.
Puis, il disparaît dans la fumée.
Un voilier passe lentement. Nous retrouvons Mastroianni sur les rochers d’une plage.
Nous sommes sur une île éolienne.
L’homme jette un caillou dans la mer. Il entend au loin une voix de femme qui appelle une autre femme. « Anna ! ».
Nous sommes en 1961, peut-être dans L’avventura, avec Antonioni. L’homme appelle aussi Anna.
Non, ce n’est pas Marcello Mastroianni. Il n’a jamais joué dans un film avec Ingrid Bergman.
La fumée voile le paysage désolé du volcan. On entend la mer.
Nous sommes dans un film italien des années 50 ou 60. Je ne sais plus très bien.
Des chiens aboient. La lune éclaire les arbres. Ingrid marche dans une rue sombre du village.
Le volcan explose dans la nuit. Marcello déambule dans d’autres ruelles. L’ombre des arbres bouge dans le vent.
Ingrid fixe Marcello du regard. Il lui parle. Elle reste muette et disparaît dans la nuit.
Je ne sais plus si ça s’est passé avant ou après. Ou bien c’était dans L’année dernière à Marienbad, en 1961.
On entend toujours la mer. C’est le matin.
Ingrid est assise sur une plage de sable noir. Elle contemple un voilier. Il passe au loin, lentement.
Ingrid est hantée par des images. Marcello s’approche d’elle et tente de lui remémorer des souvenirs communs.
Oui, ils se sont parlé en haut du volcan. Ses chaussures étaient même salies par la cendre.
Non, ils ne peuvent pas se comprendre puisqu’il lui parle en italien et qu’elle lui répond en anglais.
C’est un rêve, une fable. C’est impossible.
La fumée du volcan enveloppe tout. Nos souvenirs de cinéma se mélangent.
Vous ne vous souvenez plus très bien. Moi non plus."

Christelle Lheureux 2008.

Il y a quelques jours je proposais deux photographies faites en 2009 au "Belvédère du Rayon Vert" pendant ces Rencontres. Aujourd'hui j'extirpe une photographie faite en quittant Stromboli en juillet 1988 lorsqu'avec Michel L. nous rejoignions Lipari.
Je me souviens m'être baigné à Stromboli et m'être allongé avec un peu d'appréhension sur la plage de sable noir... J'avais aussi rencontré Ingrid Bergman, j'en ai fourni la preuve ici

3 commentaires:

  1. D'abord la photo, superbe, avec ce déséquilibre de la ligne d'horizon qui renforce le mouvement,
    et le volcan comme une abstraction géométrique (qui n'est pas sans rappeler certaines photos
    du Jardin de Poussière de Bernard Plossu, ou la #5 du Fotografias de un diario d'Oscar Molina ( http://www.oscarmolina.com/omfrgdiario.html# ), ou encore la dernière image du Written in the West de Wim Wenders... décidément, toujours les mêmes...). Ensuite le texte, qui lui aussi nous fait naviguer, quelque part entre réalités reconstruites et souvenirs concrets, partir d'ici pour se retrouver ailleurs, et toujours croiser quelque chose, ombre ou détail, qui nous renvoie plus loin. Magnifique billet !

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  2. Le plus difficile est de passer après Patrick pour les commentaires ;) , mais j'aime aussi cette ligne d'horizon qui tangue et le bateau qui nous éloigne du Stromboli. Quant à la photo de ta rencontre avec Ingrid, c'est une merveille : de simplicité, de construction, de regard, aucun effet, une prise directe.

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  3. à Patrick et Sylvie, dans l'ordre d'entrée en scène ;)
    Ce que vous avez pu écrire à-propos de ce billet auquel je tenais beaucoup, pour des raisons diverses et multiples, m'a fait plaisir. Je n'ajouterai rien de plus, ce serait inutile...

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